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Si moi j'ai le plus beau compliment à faire à un chanteur, c'est ça: il a sa signature. Tu l'entends chanter, t'as pas besoin de connaître la chanson, c'est Daniel Lavoie.

Bruno Pelletier

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Les relectures de Lavoie

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Publié le 27 novembre 2011 

 Au début de la soixantaine, Daniel Lavoie apprécie le recul qu'il a acquis au fil des années. C'est cet état d'esprit qui a permis la naissance de son livre et de son album de reprises. À l'aube d'une nouvelle tournée prévue pour 2012, Daniel Lavoie revisite ses plus grands succès sur l'album J'écoute la radio et publie en même temps son premier recueil de textes en prose, Finutilité.

Rencontre avec un homme qui a survécu à la crise de la cinquantaine, mais qui n'a pas forcément envie de survivre à lui-même. 

«Je n'aurais jamais pu écrire ce livre-là il y a 20 ans. J'étais beaucoup plus pris dans mon ego et plus coincé dans mon corps et mon âme», confie Daniel Lavoie, rencontré peu de temps avant le lancement de son livre, Finutilité, au Salon du livre de Montréal. Drôle de titre, quand même.

«Oui, concède-t-il. C'est un mélange d'utilité et de futilité, de fini et d'infini. Ce livre, c'est un regard que je dirais amoral et sans compassion sur la vie. C'est un regard froid, sans sentimentalisme aucun. Mais je me réserve quand même la tendresse et l'humour, qui pour moi sauvent tout ça. Autrement, le sentiment d'absurdité est insupportable. Je pense que ce livre, c'est une crise de la cinquantaine bien vécue ou survécue! (rires).»

Même s'il ne croit pas au bonheur, Daniel Lavoie semble respirer la sérénité, mais il demeure sans pitié pour lui-même, dans cette humilité qui a toujours été un trait de caractère, moins maladive qu'autrefois et maintenant assumée. Cela transpire dans son recueil, cette impression d'être bien peu de chose, au fond, dans un monde qui n'a aucun sens. Il écrit même: «Je crains que petit à petit, je ne devienne un vieux con. J'ai vraiment tout fait pour l'éviter, mais ça vient, malgré tout.»

Daniel Lavoie, un vieux con? Voyons donc! «Je trouve ça drôle. C'est une grande liberté d'être un vieux con, vous savez.»Certes, il amorce la soixantaine, mais son charme est parfaitement intact et ses propos d'une surprenante franchise, voire d'une verdeur étonnante. Est-ce bon de vieillir? «Mais ça me fait chier comme tout le monde! répond-il. C'est la décrépitude, la perte de la force, mais en même temps, j'ai compris que le recul, l'accumulation des expériences, la distillation de 60 années de vie font que tu as un regard plus calme et enjoué sur le monde.»

Les textes de Finutilité sont parmi les plus anciens qu'il a écrit il y a presque 20 ans, au retour de la «folie Notre-Dame de Paris», qui a fini par lui donner une «écoeurantite aiguë».

Daniel Lavoie s'était alors imposé la discipline d'écrire une chanson tous les jours. Plusieurs textes ont finalement servi «d'amuse-gueule» lors de spectacles, des transitions lues par l'auteur entre les pièces musicales. Beaucoup de spectateurs voulaient les lire, et c'est ce qui a fini par mener à une publication, après beaucoup d'hésitations.

«Parce que j'ai l'insécurité des Franco-Manitobains au sujet de mon français, qui fait que j'ai toujours une certaine réticence envers mon écriture, et beaucoup de gêne.» Il n'était pas question qu'il publie ailleurs que dans une maison d'édition franco-manitobaine, et il a choisi les éditions Plaines... pour la beauté du nom.

Faire du neuf avec du vieux Dans la foulée, Daniel Lavoie a eu envie de revisiter ses plus grands succès, parce qu'il trouvait que plusieurs de ses chansons «méritaient mieux».

Cet album réalisé par Marc Pérusse, contient plusieurs surprises, malgré des titres archi-connus comme Tension Attention, Ils s'aiment, Jours de plaine ou Je voudrais voir New York.

«Je ne voulais pas que ce soit juste des reprises, ni un «best-of», mais vraiment une relecture, avec 20 ou 40 ans de recul, qui respecterait autant ceux qui ont aimé ces chansons que moi-même.»Il est vrai que certains arrangements originaux vieillissent mal - les années 80 et leurs synthétiseurs n'ont pas toujours été heureuses - et la nouvelle mouture country de Tension attention est une véritable redécouverte.

«Avec les années, je me suis rendu compte que je ne la chantais plus en spectacle. Je n'avais plus envie de la faire, je ne l'aimais pas. Mais c'est un bon texte, qui se défend encore. C'était une protest song, en fait.»

Daniel Lavoie espère que les gens comprendront à quel point il s'agit de nouveaux textes, même s'il s'agit des mêmes chansons. Elles n'ont plus la même portée ni le même sens pour lui, des décennies plus tard. «Si elles sont encore là dans ton répertoire, c'est que les mots ont pris un autre poids, que l'émotion s'est transformée.»Une façon de les sauver, de faire le bilan d'une carrière prolifique? «Je ne fais pas un gros bilan, laisse tomber Daniel Lavoie en soupirant, d'un air amusé. Mon attitude reste assez cohérente avec le livre. Je n'essaie pas de survivre à moi-même, je n'ai aucun besoin ni aucune envie de faire quelque chose qui va rester ou de léguer quoi que ce soit. Je le fais parce que j'aime ça. Je n'ai pas une longue vue là-dessus, je sais que le monde peut sauter du jour au lendemain. On ne sait jamais. Il ne faut pas trop miser sur le futur...»

Daniel Lavoie sera en tournée au Québec à compter du 24 février 2012.