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Si moi j'ai le plus beau compliment à faire à un chanteur, c'est ça: il a sa signature. Tu l'entends chanter, t'as pas besoin de connaître la chanson, c'est Daniel Lavoie.

Bruno Pelletier

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Critique CD: La licorne captive de Daniel Lavoie

 

7 avr 2014

C’est à un voyage onirique et immersif que Daniel Lavoie nous convie avec son plus récent album, La licorne captive. Pour cette nouvelle offrande, l’artiste prête sa voix à un projet musical profondément original, initié par le compositeur, parolier et multi-instrumentiste Laurent Guardo.

Le projet, à bien des égards, est unique: avec La licorne captive, Laurent Guardo souhaitait mettre en musique mythes et légendes, afin d’offrir un nouvel écrin à certaines histoires immortelles, bien souvent déjà gravées dans nos esprits. Patiemment, pendant une dizaine d’années d’écriture, l’auteur a revisité différents récits mythologiques, issus tant de la Grèce antique que du Québec de la Chasse-Galerie. Il a poli ses textes. Puis il les a habillés de musique ancienne. Ainsi enrobés et accompagnés, contes et poèmes se transforment, et prennent une tout autre dimension. Car le voyage auquel nous confie Laurent Guardo, c’est avant tout cela: un périple dans un autre univers, fait de mots et de musique.

Au cœur de cette aventure, on trouve un monument de la chanson francophone. Daniel Lavoie a en effet accepté de donner vie à ces histoires puissantes et fascinantes, s’investissant pleinement dans le projet jusqu’à le teinter de sa personnalité musicale, si forte. Le résultat de cet étrange mariage entre Lavoie, les récits légendaires et la musique composée par Guardo est un pur et délicieux dépaysement musical.

Dès la première écoute, l’album surprend et charme l’oreille par ses ambiances sorties d’un autre âge, habilement serties d’influences contemporaines. Aux violes de gambe chères à Guardo — c’est leur son particulier, délicat et obsédant, qui a inspiré le projet — s’ajoutent ainsi non seulement l’archiluth, la viole d’amour et le violon et l’alto baroques, mais aussi la basse, les frames drums et la guitare — on sent ici l’apport, plus moderne, de Lavoie. Çà et là, tablas, gongs tibétains, dobro et percussions diverses se font aussi entendre, donnant du coffre et de la profondeur à l’ensemble. L’univers musical est foisonnant, enveloppant, mais aussi profondément cohérent, d’une douce et tranquille beauté, qui berce et hypnotise. Habilement unie à ces élégantes harmonies, la voix de Daniel Lavoie, profonde et chaude, au timbre si riche, est tout entière aux services des textes. Pour l’occasion, le chanteur se fait aussi conteur: ses intonations, précises et émouvantes, donnent à son chant déclamatoire une rare puissance. Lavoie captive et émeut, alors même que la musique enchante. À ce titre, Icare, au souffle épique superbement rendu, et Le sang, magnifiquement servi par les incantations de la soprano Mary-Lou Gauthier (qui livre ailleurs de sublimes et lancinantes harmonies vocales, notamment dans la très belle Ophélie), sont particulièrement réussies.

Certes, le style récitatif de l’œuvre pourra lasser certains, tout comme certains motifs mélodiques inlassablement répétés; il n’en demeure pas moins que la musique comme la voix s’épousent à merveille, donnant naissance à un univers sonore qui hante longtemps l’oreille et l’esprit. Quant aux textes de Laurent Guardo, s’ils versent parfois dans la facilité et contiennent quelques formules très convenues, ils incarnent magnifiquement le propos, sans décevoir mais sans éblouir. Les deux poèmes d’Arthur Rimbaud — Ophélie et le Bal de pendus —, mis en musique par Guardo et parfaitement intégrés à l’ensemble, offrent quant à eux un point de vue poétique plus assumé, plus abouti. Il n’empêche: ceux qui sauront se laisser emporter par La licorne captive bénéficieront pleinement du voyage.

http://impactcampus.qc.ca/arts-et-culture/critique-cd-licorne-captive-daniel-lavoie/